Certaines prouesses techniques ou technologiques accomplies par l’Homme des millénaires auparavant défient toujours l’entendement des chercheurs modernes. C’est le cas par exemple des pyramides d’Égypte, qui bluffent encore les architectes actuels (et non, les aliens n’y sont pour rien, mais merci d’être passés dire bonjour, chers complotistes).
Si la science s’est offert des bons de géant durant l’Antiquité, c’est aussi le fait du génie de certains chercheurs curieux dans tous les domaines. Aristote, Euclide, Hippocrate, Socrate ont jeté les bases des mathématiques, de la géométrie, de la médecine, de la philosophie – entre autres disciplines qui alourdissent aujourd’hui le cartable des collégiens.

Même si vous n’êtes pas passionné par les sciences antiques, votre propre quotidien est rythmé par des inventions héritées des Grecs (affirmation variable selon le pays d’où vous lisez cet article – rayez les mentions inutiles), à savoir la démocratie, le réveille-matin, le théâtre ou encore les Jeux Olympiques. Ils inventèrent par ailleurs la fonction d’historien, dont Hérodote est considéré comme le premier représentant ; d’une certaine façon, c’est donc grâce à leur acharnement et leur curiosité à toute épreuve que vous parcourez les lignes de ce blog dédié aux mystères de l’Histoire. (Merci, au passage.)
Toutefois, certaines inventions grecques restent encore aujourd’hui voilées de légendes tenaces, de mystères et de coïncidences qui transformèrent des hasards en heureuses découvertes. Voyageons donc dans le temps pour enquêter du côté de Syracuse (Sicile), où un certain Archimède s’apprête à bouleverser le paysage scientifique de son temps.

Archimède, astronome et mathématicien aujourd’hui mondialement reconnu, officie dès son plus jeune âge en qualité de conseiller auprès du Roi de Syracuse Hiéron II. Ce dernier a commandé à un artisan local la réalisation d’une couronne en or pur, afin d’honorer Zeus ; il a donc confié à l’orfèvre une certaine quantité du précieux métal. Au bout de quelques jours, sa commande est honorée et le couvre-chef doré lui est remis cérémonieusement.
Cependant, lorsque le tyran de Syracuse le reçoit des mains de l’artisan, il suspecte une duperie. Et si le joaillier y avait mélangé son or avec des métaux moins nobles afin de garder une partie de l’or pour lui ? Devant cette interrogation insoluble, Hiéron II vient trouver conseil auprès du jeune Archimède : le monarque le charge alors de vérifier les contenus de la couronne, mais sans endommager l’objet précieux – scier ou faire fondre la couronne pourrait déclencher l’ire divine.
Le jeune scientifique, fasciné par les énigmes et les puzzles, bute pendant un certain temps sur ce problème. Mais un jour qu’il se rend aux bains publics, il observe le comportement des corps immergés… et hurle aussitôt « Eurêka ! » (« J’ai trouvé » en grec). La légende retient qu’il émerge des bains publics et arpente, entièrement nu, la ville de Syracuse en scandant cette formule à qui veut bien l’entendre. Comme quoi, les mathématiques étaient davantage rock ‘n roll à l’époque.

Qu’a-t-il donc compris durant cette séance de détente aux bains publics ? Qu’il ne valait mieux pas emprunter la savonnette d’Emilophanes, et après ? Archimède saisit que les corps déplacent une certaine quantité d’eau en brisant la surface du liquide. Or, cette dernière dépend non seulement du volume de l’objet immergé, mais aussi de son poids – deux unités qui composent la masse volumique.
En la matière, des corps différents disposent de propriétés différentes : Archimède en est bien conscient puisque, d’après ses expériences préliminaires, il sait que l’argent est moins dense que l’or (et a donc un volume plus important). Il conclut que, si la couronne est entièrement faite d’or pur, alors une quantité d’or équivalente au poids de la couronne devra déplacer le même volume d’eau.
Il commence par plonger dans une cuve d’eau une quantité d’or équivalente à celle fournie par le monarque pour produire la couronne ; il mesure le volume d’eau ainsi déplacé, puis procède de même avec la couronne qui lui a été confiée. A sa grande surprise, l’artéfact royal déplace davantage de liquide ; il est donc composé d’un autre matériau moins dense, à savoir l’argent. Fort de cette savante conclusion, Archimède retourne auprès du roi Hiéron II et lui fait part de sa découverte. Le monarque, dont on devine facilement le courroux, aura sans doute déplacé une certaine quantité de semelles au volume métrique du postérieur de son orfèvre.

L’anecdote légendaire d’Eurêka, notamment rapportée par l’auteur romain Vitruve, reste sujet à débat parmi les historiens ; il semble en effet que le mythe se soit propagé longtemps après les faits. Si un tel épisode n’a jamais eu lieu, au moins la communauté scientifique a-t-elle durablement gravé dans ses tablettes le principe d’Archimède (ou « poussée d’Archimède »), toujours en usage de nos jours :
Tout corps plongé dans un fluide au repos, entièrement mouillé par celui-ci ou traversant sa surface libre, subit une force verticale, dirigée de bas en haut et opposée au poids du volume de fluide déplacé.
Le jeune scientifique continuera de résoudre les problèmes du trône et d’aiguiser ses talents à la cour de Hiéron II. Habité par cette curiosité naturelle toute sa vie durant, il poussera de nouvelles expériences et rédigera des traités qui feront date. Mais la diplomatie internationale se mettra finalement en travers de son chemin.
En 214 av. J.-C., le savant est âgé de soixante-treize ans. La cité de Syracuse, longtemps alliée des Romains, a changé de camp sous le règne du petit-fils de Hiéron II, Hiéronyme, en s’associant aux armées carthaginoises d’Hannibal. Il n’en faut pas plus pour dépêcher les légionnaires romains aux portes de Syracuse, dont ils entament le siège au printemps de l’année 213.

Les Carthaginois tentent à maintes reprises de libérer la cité, mais rien n’y fait : la flotte romaine livre un combat acharné et une épidémie finit par enterrer toute chance de lever le siège pour les Phéniciens. Syracuse, livrée à elle-même, tombe aux mains du consul Marcellus en 212 av. J.-C.
Archimède, toujours prompt aux expériences improvisées, dessine des formes géométriques dans le sable au moment de la prise de la ville. Un légionnaire romain lui ordonne alors de se rendre, mais le vieillard, accaparé par sa tâche, lui aurait selon la légende rétorqué « Ne dérange pas mes cercles. » Agacé, le soldat le tuera d’un coup d’épée, déclenchant la fureur de Marcellus qui considérait le savant comme un allié de taille…

Drôle de destin que celui d’Archimède – teinté de légende, du début à la fin. Sa « naissance scientifique » aurait donc impliqué une couronne en or, un joaillier véreux et un bain providentiel ; tandis que sa dernière expérience, un banc de sable couvert de formes géométriques, aura constitué son lit de mort.
Sources:
- https://en.wikipedia.org/wiki/Archimedes%27_principle
- https://www.ancienthistorylists.com/greek-history/top-10-inventions-discoveries-ancient-greece-remarkably-used-today/
- https://www.ancient.eu/article/1165/ancient-greek-inventions/
- https://en.wikipedia.org/wiki/Archimedes
- http://www.proftnj.com/archimed.htm
- https://www.scientificamerican.com/article/fact-or-fiction-archimede/