La Capitale-Fantôme / Naypyidaw, Birmanie

Quel est votre passe-temps favori durant les longs trajets en voiture ? Vous êtes peut-être doué pour reconnaître les plaques d’immatriculation, compter les voitures rouges croisées, ou aux jeux de culture gé comme celui où l’on doit associer à un pays sa capitale. Et bien vous aurez sans doute à revoir un détail à propos de celle de la Birmanie, car ce pays d’Asie du Sud-Est en changea la localisation en 2005. Depuis cette année, Rangoun a laissé son titre à Naypyidaw.

La chose étrange, c’est que la nouvelle capitale, construite à partir de rien au beau milieu de la jungle et assez large pour contenir six fois la ville de New York, est une ville-fantôme. Ces dernières sont généralement du type « privées de vie depuis d’intenses bombardements ou des épidémies meurtrières », mais Naypyidaw n’est pas une cité en ruines recouverte d’herbes folles. Au contraire, c’est une ville neuve, propre et luxueuse, brillante comme si elle était lustrée deux fois par jour (ce qui est sans doute le cas).

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Naypyidaw, entre dorures, jardins exotiques et palais luxueux. (Crédit photo: Vocativ/Arthur Nazaryan)

Si vous décidez de vous y rendre, une chose est sûre : pas la peine de consulter le Bison Futé local, vous ne serez pas ennuyé par les bouchons. L’autoroute 2×10 voies qui la traverse est quasiment déserte, seulement arpentée par quelques éleveurs qui y font traverser leurs troupeaux. (En respectant scrupuleusement le code de la broute.) Sur leur chemin, ils croisent seulement des jardiniers chouchoutant les plantes de chaque côté de la route, qui paraissent être les seules âmes du coin.

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L’autoroute à l’heure de pointe. (Crédit photo: SIPA via LesEchos.fr)

Çà et là, cependant, tout semble prêt à accueillir un afflux de touristes. Des hôtels de luxe, des complexes cinq étoiles, un zoo (où la moitié des pingouins n’a pas survécu : il faut dire que la température moyenne avoisine les 27°C sur l’année), un parc aquatique, des palais gouvernementaux pharaoniques, plusieurs parcours de golf et quelques cinémas. Ainsi qu’un aéroport flambant neuf construit pour faire transiter trois millions et demi de passagers… Même moi, je n’ai pas autant d’amis imaginaires.

C’est comme si une épidémie s’était répandue sur la ville et en avait fait disparaître la moindre trace de vie. Le dôme lumineux de la pagode dorée, réplique exacte de celle de Rangoun, domine un monde que l’humanité semble avoir déserté à jamais.

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La pagode dorée Uppatasanti Pagoda : à l’évidence, le tourisme bat son plein. (Crédit photo: DiverDave via English Wikipedia)

Qu’est-ce-qui a bien pu précipiter cette étrange installation ? Les officiels du gouvernement birman ont décidé dès 2005 de faire leurs valises et de quitter Rangoun. Que ce soit pour d’obscurs motifs stratégiques ou militaires, les chefs du pays eurent en tout cas tôt fait d’embaucher des entreprises pour superviser les travaux, et la nouvelle capitale sortit de terre en un temps record.

Vint alors le moment d’y injecter un peu de vie : une armée de fonctionnaires fut aussi dépêchée sur place, quittant leurs familles et leurs maisons de Rangoun quasiment du jour au lendemain.

On dit qu’il s’agit même du conseil d’un astrologue qui précipita la construction de Naypyidaw. Même s’il s’agissait d’une indication des astres, cela entraîna une installation désastre, et des coûts astronomiques – quelques quatre milliards de dollars furent nécessaires pour donner une seconde capitale à l’un des pays les plus pauvres du monde.

 


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