Vous les avez côtoyées dans les livres d’histoire, avez tout appris sur leurs caractéristiques biologiques, leur mode de vie, leur comportement. Et ce, sans jamais aller à leur rencontre. Car ces espèces ont disparu il y a des milliers d’années, et vous êtes nés bien trop tard pour les observer de vos propres yeux. A moins que vous ne soyez arrivés juste à la bonne époque… Préparez-vous : les scientifiques actuels envisagent de ramener des espèces éteintes à la vie. Alors si vous avez toujours rêvé d’offrir une pelletée de cacahuètes à un mammouth laineux, direction les laboratoires où s’écrit le futur (enfin, le passé) de l’édition génétique.
C’est en effet les manipulations du génome qui permettraient aux blouses blanches de faire renaître les espèces disparues. Ouvrons une parenthèse scientifique pour expliquer le processus : votre corps est notamment composé de brins d’ADN, témoins de votre patrimoine génétique transmis par vos géniteurs à la naissance. En d’autres termes, vos parents sont responsables de votre calvitie naissante, de votre mauvaise vue voire même de votre cruel manque d’empathie (à noter que tous ces traits particuliers ne sont pas uniquement déterminés par l’hérédité, inutile de songer au parricide). En modifiant la structure de l’ADN, on est donc en mesure de modeler les caractères transmis aux générations suivantes – virage déjà amorcé par le génie génétique en vue de prévenir les maladies héréditaires graves et de tuer dans l’œuf (littéralement) toute pathologie handicapante.

Résurrection, mode d’emploi
Appliquée au principe de la « désextinction », cette technologie vise à réintroduire des fragments d’ADN d’une espèce éteinte dans une famille animale « cousine » du disparu. Prenons par exemple le cas du mammouth : son plus proche parent est sans aucun doute l’éléphant, bien que plusieurs siècles d’évolution aient contraint le second à l’épilation forcée. En insérant les séquences ADN du pachyderme laineux dans un embryon actuel, on obtient une modification du génome qui devrait en théorie se traduire par la naissance d’une créature hybride, à mi-chemin entre l’espèce préhistorique et celle que nous connaissons.
Reste pour cela à localiser quelques restes du patrimoine génétique des espèces que l’on souhaite ressusciter. Fort heureusement pour les scientifiques, il est estimé que l’ADN survit dans la nature pendant plusieurs milliers d’années, voire plusieurs millions si placé dans des conditions idéales de conservation. Le record semble atteindre 6,5 millions d’années, âge qui fait remonter l’humanité à nos ancêtres chimpanzés, juste avant que leur arbre généalogique ne les éloigne définitivement de la branche Homo. A l’époque, le tigre à dents de sabre rôde dans les forêts tropicales d’Amérique, des oiseaux prédateurs dotés de becs de vingt centimètres masquent les nuages argentins, tandis que des paresseux terrestres pesant près d’une tonne peuplent les Rocheuses… Il y a donc du matériel génétique plus qu’intéressant à aller chasser pour tous ceux qui rêvent de redécouvrir ce monde perdu.

Une fois qu’un fragment d’os ou une dent, par exemple, de l’espèce choisie sont découverts, il ne reste plus qu’à en extraire l’ADN et à l’éditer en laboratoire, opération simplifiée depuis la découverte des « ciseaux moléculaires » Crispr-Cas9 en 2012. Cela ouvre non seulement la voie à la possibilité de triturer le génome des mammouths mais aussi d’autres espèces disparues telles que le dodo, le tigre de Tasmanie, le moa ou encore le redouté tigre à dents de sabre.
« La vie trouve toujours un chemin. »
Derrière les hypothèses sérieuses se propagent invariablement les fantasmes de la « baguette magique » scientifique. Certains envisagent de ressusciter l’Homme de Neandertal voire même de créer des licornes génétiquement, en associant la capacité à faire pousser une corne frontale des rhinocéros aux attributs biologiques du cheval. Mais on peut tirer une croix sur les soupçons fantaisistes d’un Jurassic Park dans la vraie vie ; les derniers dinosaures nous ont quittés dans un déluge de feu et de cendres il y a 65 millions d’années, sans la moindre empreinte génétique à nous mettre sous le scalpel.

Il va de soi que le futur promis par les modifications génétiques ne laisse personne indifférent, et déchaîne, au-delà des promesses scientifiques, un débat éthique à grande échelle. Doit-on mettre ces technologies en pratique simplement parce que « la science peut le faire » ? Pourquoi ramener des espèces éteintes à la vie alors que d’autres, bien vivantes, nécessitent d’être protégées ? Ne peut-on pas craindre que la production d’animaux disparus soit convoitée par l’industrie du divertissement, avec un scénario virant à la King Kong ou Jurassic Park ? Quel sera l’avenir de cette nouvelle biodiversité si les problèmes de déforestation, de pollution ou de chasse aveugle qui ont causé leur perte ne sont pas résolus ? Tant de questions encore sans réponses sur lesquelles chacun devrait méditer en fixant l’image ci-dessous.

Sources
- Carl Zimmer, « Bringing Them Back To Life », National Geographic, 04/2013.
- Matt Kaplan, « DNA has a 521-year half-life », Nature, 10/10/2012.
- Kelly Harkins, « The Hunt For DNA », Arizona State University School of Life Sciences – Ask A Biologist, 06/02/2014
Gloup ! Pas certain que les monstres d’antan et les humains sachent coexister.
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